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Interview Derek Trucks Juillet 2010
(Y. Philippot-Degand et P. Archambeau, traduction : Y. Philippot-Degand)

Hello,

RTJ : Tu as eu ta première guitare à neuf ans, mais quand as-tu décidé
de travailler la slide guitare?

DT: J'ai commencé à jouer en slide la même année que j'ai commencé la guitare.
J'ai toujours écouté des guitaristes de slide, et j'ai donc essayé d'imiter ce son, et à cet âge tendre,
celà me faisait moins mal aux doigts de jouer ainsi.

RTJ : Tout d'abord, j'ai quelques questions sur ton dernier album studio (qui a fourni cinq titres –live cette fois- à Roadsongs). Tu as dit que vous aviez enregistré cet album sans pression, et nous savons qu'Already Free a été autoproduit dans ton nouveau home studio à Jacksonville.
Le fait que tu n'avais pas de limite de temps, et pas de problème pour enregistrer une idée
aussitôt que vous en aviez une, ont-ils décidé du nom de l'album?

DT: Mouiii, le fait que nous ayons enregistré “Already Free” par nous-mêmes, dans notre propre studio
et avec plus de temps disponible a joué dans le nom de l'album. Comme la plupart des titres,
il possède plusieurs sens mais c'était la plus grande liberté que nous ayons connue en studio,
donc il semblerait que ça colle.

RTJ : Penses-tu que cette nouvelle manière d'enregistrer donne un résultat très différent
par rapport à une manière plus classique?

DT: Il y a sans aucun doute des avantages à posséder son propre home studio, en particulier un avec un équipement de qualité qui te permet d'enregistrer à la maison sans sacrifier la qualité sonore.
Plus tu as de temps pour peaufiner un titre, plus tu as de chances de le voir prendre vie par lui-même. Pour moi, ça a beaucoup aidé parce que je suis toujours en train de jongler avec mon agenda, entre les tournées et passer un peu de temps à vivre chez moi avec ma famille. Je pense que certaines personnes pourraient avoir besoin de la structure d'une approche plus classique de l'enregistrement, avec une période limitée dans un grand studio, mais pour moi, enregistrer dans mon propre studio fut libérateur et nous sommes tous vraiment fiers de l'album qui en est sorti.

RTJ : Sur cet album, le son semble plus épais, avec plus de distorsion, et on n'entend pas beaucoup la flûte de Kofi. C'est une nouvelle orientation que tu voulais pour le groupe, ou c'est juste
un feeling limité à cet album ou plus précisément à ces titres?

DT: Je ne pense pas que nous ayons pris une décision consciente d'aller vers un son particulier sur
I Already Free en tant qu'album. Nous avons essayé d'appréhender chaque morceau individuellement
et de créer les sons qui servaient chaque titre au mieux. C'est juste que pas mal
de morceaux réclamaient un son plus mordant et plus épais, et que nous avions essayé d'élaborer
petit à petit chaque morceau à partir de sa base, ce qui explique que ce que vous entendiez soit en fait
pour nous le résultat naturel du processus.

RTJ : L'album s'ouvre avec une chanson de Bob Dylan. Appartient-il vraiment à tes
racines musicales profondes, ou penses-tu que c'est juste un morceau que tu avais envie de faire
à ce moment-là? Avais-tu envie sur ce disque d'un morceau parlant des impressions laissées
par Katrina ?

DT: Mon oncle Butch a toujours été un grand fan de Dylan et, à mesure que les années passaient,
j'ai pioché de plus en plus dans son catalogue. C'est une super chanson et quand quelqu'un
a recommandé de l'essayer pour cet album, ça a semblé un morceau intéressant à interpréter.
Nous nous sommes réunis pour le jouer en studio et, tous ensemble, la façon dont il nous est
venu nous a plu. Les chansons de Dylan semblent toujours avoir un intérêt durable, et avec Katrina
il y avait une pertinence toute spéciale à cet instant.

RTJ : Sur "Already Free", tu as ajouté les craquements d'un vieux LP. Penses-tu que ça donne
un feeling sympa au titre? Est-ce un message pour dire que la musique avait plus
de liberté pendant l'époque des 33T?

DT: Je suis un grand fan des LPs en vinyle et je les écoute tout le temps à la maison.
Il y a quelque chose à propos de la chaleur et de l'atmosphère du vinyle qui reste difficile à battre.
Je pense que ce son et cette atmosphère ont été un des buts de nos projets d'enregistrement, même
si à la fin le medium doit être aujourd'hui majoritairement digital. Sur ce titre, cela semblait juste
être le type de son qui convenait à la vibration du morceau.

RTJ : Qui d'entre vous, Susan et toi, a eu l'idée de la faire chanter "Back Where I Started",
sur des paroles de Warren Haynes?

DT: Quand nous écrivions cette chanson, elle semblait juste appeler la voix de Susan. Tous deux, Warren comme moi voulions entendre Susan la chanter, et elle s'est vraiment approprié le morceau.

RTJ : Comment as-tu choisi le chanteur des autres titres? Tu as dit que les morceaux chantés
par Doyle correspondaient mieux à sa voix, alors Mike Mattison a-t-il chanté sur scène les
deux titres chantés en studio par Doyle Bramhall II? Est-ce la raison pour laquelle
ces titres n'apparaissent pas sur "Roadsongs"?

DT: Doyle traînait pas mal dans le studio pendant l'enregistrement d'Already Free et il écrivait
avec nous. Il posait les bases des vocaux des morceaux qu'il co-écrivait et nous avons juste aimé
la façon dont sa voix correspondait avec les morceaux. Un des avantages des enregistrements studio
est qu'il n'est pas nécessaire d'enregistrer exactement ce qui sera joué sur scène, et donc nous
avons aimé l'apport des vocaux de Doyle. Finalement, nous n'avons pas joué ces morceaux
sur scène tellement le son de Doyle y était particulier.

RTJ : Dans cet album studio, tu utilises assez souvent des pistes de guitares différentes, mélangeant par exemple l'acoustique avec l'électrique. Comment t'en es-tu débrouillé sur scène?

DT: Il faut se représenter que les versions live sont transcrites mais le but n'est pas de jouer
les morceaux exactement comme ils ont été joués sur le CD. Sur la route, on a essayé de faire
passer les arrangements des morceaux dans une autre dimension, de toutes façons,
ça permet de conserver une certaine fraîcheur pour le groupe et les fans.

RTJ : En 2010, vous sortez un double CD. Peux-tu dire à nos lecteurs comment
et où vous l'avez enregistré? Comment avez-vous préféré un concert à un autre
pour mettre dans le disque? Comment avez-vous fait les choix?

DT: Nous avons enregistré Roadsongs à Chicago. Nous emportons une plate-forme d'enregistrement
sur la route, et nous enregistrons en multipistes tous les concerts possibles pour les archives.
Ainsi, quand nous avons décidé de faire un disque live, nous avons recherché pour savoir quels
shows étaient spéciaux. Je me suis souvenu que tout le monde dans le groupe avait apprécié
ces deux soirs à Chicago. Nous sommes sortis de scène avec l'impression d'avoir vécu des soirées
particulièrement bonnes, et nous pouvons souvent être plutôt critiques sur nos concerts.
Ceux-là étaient les seuls spectacles de l'année où nous avions ajouté des instruments à vent,
donc il était aussi exceptionnel de sortir un CD live issu de ces deux soirs.

RTJ : Ce titre Roadsongs a-t-il un sens particulier pour toi, ou est-ce juste parce que c'est
un album live ? Est-ce parce que vous avez appelé cet album "Roadsongs" que vous avez
décidé de faire un clin d'oeil et d'y inclure "Key to the Highway" ?

DT: En fait, nous sommes entrés en contact avec nos fans pour nous aider à donner un nom
à l'album live, et à la fois un fan et notre bassiste Todd Smallie nous ont sorti le même nom Roadsongs. Nous sommes réputés pour être un groupe live en tournée et le nom semblait coller à plusieurs niveaux.

RTJ : Allez-vous tourner pour promouvoir votre nouveau CD live? Ou devrions-nous prendre
ce disque pour la fin du DTB, le dernier pour cette version du groupe comme votre maison
de disques l'a écrit?

DT: Nous n'allons pas tourner derrière ce disque parce qu'avant sa sortie j'avais décidé de faire un
break avec le DTB pour un petit moment pour me ressourcer et passer du temps avec ma famille.
Ma femme Susan et moi avons parlé de former un groupe ensemble pendant un temps et, après
une grosse année à tourner après Already Free, cela nous a semblé être le bon moment pour essayer. J'ai tourné non-stop pendant 16 ans avec le DTB alors cela fait du bien de faire un break et de
prendre du recul. Pour le moment, je suis concentré sur le groupe avec Susan et l'écriture pour ce projet, et je n'ai pris aucune décision sur des prévisions de tournée au-delà du moment présent.

RTJ : Musicalement, tu tournes maintenant avec le Derek Trucks-Susan Tedeschi Band,
qui réunit pas mal de musiciens du Derek Trucks Band. Votre orientation musicale
est-elle vraiment différente de celle du DTB? Comment mélanges-tu ces deux mondes musicaux?

DT: J'ai deux musiciens du DTB dans le nouveau groupe (avec lui, ça fait quand même trois! N.dT.)
mais j'ai l'impression que la démarche est différente. Heureusement, en tant que musicien,
tu évolues sans cesse, donc tu ressens tes idées d'une façon différente chaque année par rapport aux
années précédentes. Et nous avons dans cette composition de groupe une nouvelle combinaison
de musiciens qui génère de nouvelles idées. Susan et moi avons entièrement écrit pour un
nouveau projet ce qui nous fait nous concentrer sur un son qui fonctionne pour nous deux, et pour
ce groupe de musiciens, et jusqu'à présent on a l'impression qu'on se dirige vers une autre orientation.

RTJ : As-tu des nouvelles de M. Gregg Allman ?

DT: J'ai parlé à Gregg après son opération et il allait bien. Tout s'est bien passé avec l'opération
et il attend avec impatience de reprendre la route bientôt.

RTJ : Penses-tu que c'est la fin pour l'Allman Brothers Band ou as-tu encore des projets
avec ton oncle, Warren et les autres membres du groupe ?

DT: J'aime jouer avec les Allmans et à ce qu'il paraît nous allons faire quelques concerts en novembre.
Il y a aussi des discussions sur des shows supplémentaires au Beacon au printemps
mais pour le moment, nous n'avons rien de prévu au-delà de 2010.

RTJ: La dernière, mais pas la moindre pour nos lecteurs: si tu devais passer le reste de ta vie
sur une île déserte, quels sont les cinq albums que tu emmènerais?

DT:

1. Ali Akbar Kahn- Signature Series vol. 2

2. Miles Davis- Kind Of Blue

3. The Allman Brothers Band- Eat A Peach

4. Stevie Wonder- Innerversions

5. Stravinsky- Firebird/Petruska (L'Oiseau de Feu/Petruska)